lundi 23 novembre 2015

Sur une couverture de Glamour de 1970 (partie 2)


Pensée et mort de la pensée. L'étonnement peut être ce qui provoque la mort d'un certain vécu-présent du figuratif, c'est-à-dire le monde de mes représentations à un instant de ma vie, ou d'un imaginaire figuratif à ce même moment. La mort ou la métamorphose d'une certaine signification d'une histoire de l'apparaître. Je devrais dire : de mon histoire de l'apparaître. « Subjectivité » me dira-t-on alors. Un peu comme l'individuation du mourir chez Heidegger. (Mon étonnement peut-être, pourrait provenir d'un croisement entre le figuratif et le figural de Cybill sur la couverture de Glamour). Quelque chose qui m'est propre, une propre mort d'une certaine panoplie de mon imaginaire figuratif. Je peux toujours me représenter cet imaginaire mais non plus y vivre comme avant l'étonnement. Car il faut laisser place à l'étonnement, au devenir des représentations, des circonstances du paraître. Le terme de substitution que Valéry emploie (partie I) est une forme de mort des groupes de phases entre contenu et expérience. Il y a la vie de la mort en nous, il y a le substitu. Cette dynamique toujours actualisée, discontinue et continue des informations de la conscience, continu substantiel de l'être et discontinu de l'étant. Il en va de même de l'étonnement qui communique, se fait le communiquant, le tonnement d'une nouvelle phase de processus de contenus informatifs mémoriels et représentationnels. Un nouveau liage de teintes qui organise la psyché dans le temps et l'espace et qui symbolise, caractérise, cette nouvelle venue qui fait césure, et qui doit pouvoir se dire en un sens propre, particulier. Un parallélisme entre ce qui est expérimenter et l'événement mental, le saut expérientiel dans la psyché. On en revient à Valéry et à la « congruence avec les conditions inconnues du connaître » (partie I).

Dans son livre Qu'appelle-t-on penser? Heidegger a mit la lumière sur l'absence d'opposition entre le Mythe (Mύθος), - la « parole disante » pour les Grecs, l'apparition du paraître et ce qui se trouve dans le paraître par le dire, tout l'étant de l'être, - et la Raison (λόγος) socratique. Mais « Mύθος et λόγος ne s'écartent l'un de l'autre et ne s'opposent l'un à l'autre, que là où ni Mύθος ni λόγος ne peuvent garder leur être primitif. » (Martin Heidegger, Qu'appelle-t-on penser?, puf, quadrige, Paris, 2014, p. 32). Mythe et raison sont ici inclus dans une même entité primitive, ils sont des manifestations, des modes d'être de cette entité. Et plus loin il ajoute : « C'est un préjugé de l'histoire et de la philosophie, hérité du rationalisme moderne sur la base du Platonisme, que de croire que le Mύθος ait été détruit par le λόγος. Le religieux n'est jamais détruit par la logique, mais toujours uniquement par le fait que le Dieu se retire. » (Ibid. p. 32). Et cette autre remarque encore sur la vérité de la parole poétique désignée comme la Beauté : « La beauté est un destin de l'être de la vérité, où vérité signifie le dévoilement de ce qui se voile. Beau n'est pas ce qui plaît, mais ce qui tombe sous ce destin de la vérité qui se produit quand l'éternellement inapparaissant, et partant l'invisible, parvient dans le paraître la plus paraissant. » (Ibid. p. 34). Il y aurait une raison symbolique du mythe dans le primitif de l'être de la raison. le dire du mythe est à la fois le dire paraissant ce qui doit paraître dans la raison du dire et l'élancement de l'être dans l'histoire, la durée, de l'être en raisonnance avec la vérité de la pensée, le liage de l'être et de la pensée par la parole. Symbole qui est parole essentielle de l'étant dans sa croyance. 
      Être c'est croire. L'étonnement est-il une forme de stupeur? Nous pouvons dire qu'il y a dans l'étonnement des principes similaires à la stupeur. Le mot « stupeur » peut désigner quelque chose de plus brutal, une relation plus manifeste entre le sujet et la vision du paraître. Hölderlin se remémora, dans un fragment poétique écrit à seize ans, qu'il fut pris d'une « émotion sacrée » qui lui «fit vibrer le cœur » (Les Miens) en se trouvant un soir à l'intérieur de soi. On sacre une vision des choses par des symboles, par un sentiment en relation au «soir miroitant » (Les Miens), au fleuve paraissant de Hölderlin. Les choses ne montrent pas, elles ne signifient rien, et il faut pourtant que quelque chose se formule intérieurement pour, avant que la parole s’énonce une émotion divine, la savoir comme telle. Et ici encore, il faut de l'interprétation, lier la hauteur du sentiment avec la verticalité du divin, la hauteur où nous situons la demeure éternelle de Dieu. Mais il y a aussi la force de ce sentiment, la force qui stupéfie l'être. Et cette force parle de quelque chose, se réalise en quelque chose pour signifier, se référer par le plus grand des mystères. Hölderlin a alors su parler de son mystère, subitement, dans le travail des analogies, des correspondances, surprendre la force du lien, l'unité dans le paraître empirique et conceptuel. Mais cette force est une pulsion de l'éveil, de la connaissance, de la présence du divin sur terre, du surgissement, de l'écrasement de la présence du divin : « soudain, je ne ris plus,/Soudain, plus grave, je laissai nos jeux d'enfants/Et balbutiai, vibrant : il faut prier! » (Les Miens). Il pouvait dire pourtant, dans sa stupeur, « j'étais déjà prêt », prêt à recevoir ce coup car fabriqué par lui pour lui dans une direction bien précise. Il faudrait alors ajouter que les parties ou plans congruents de sa stupéfaction, de son saisissement, dans son expérience s'identifient subitement mais au travers d'un travail effectué sur d'autres plans de l'esprit. J'ai envie de faire appel ici à Schelling et à sa philosophie de la mythologie, sa philosophie positive, à son travail sur le mythe et sa signification. Mais tout cela dans une troisième partie. 

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