Pensée
et mort
de la pensée. L'étonnement peut être ce qui provoque la mort
d'un certain vécu-présent
du figuratif, c'est-à-dire le monde de mes représentations à un
instant de ma vie, ou d'un imaginaire figuratif à ce même moment.
La mort
ou
la métamorphose d'une certaine signification d'une histoire de l'apparaître. Je devrais dire : de mon histoire de l'apparaître.
« Subjectivité » me dira-t-on alors.
Un peu comme l'individuation du mourir chez Heidegger. (Mon
étonnement peut-être, pourrait provenir d'un croisement entre le
figuratif et le figural de Cybill sur la couverture de Glamour).
Quelque chose qui m'est propre, une propre mort
d'une
certaine panoplie de mon imaginaire figuratif. Je peux toujours me
représenter cet imaginaire mais non plus y vivre comme avant
l'étonnement. Car il faut laisser place à l'étonnement, au devenir
des représentations, des circonstances du paraître. Le terme de
substitution
que Valéry emploie
(partie I) est
une forme de
mort des
groupes de phases entre contenu et expérience. Il y a la vie de la
mort en nous, il y a le substitu.
Cette dynamique toujours actualisée, discontinue et continue des
informations de la conscience, continu substantiel de l'être et
discontinu de l'étant. Il en va de même de l'étonnement qui
communique, se fait le communiquant, le tonnement
d'une nouvelle phase de processus de contenus informatifs mémoriels
et représentationnels. Un nouveau liage de teintes qui organise la
psyché dans le temps et l'espace et
qui symbolise, caractérise, cette nouvelle venue qui fait césure,
et qui doit pouvoir se dire en un sens propre, particulier. Un parallélisme entre ce qui est expérimenter et l'événement mental, le saut expérientiel dans la psyché. On en revient à Valéry et à la « congruence avec les
conditions inconnues du connaître » (partie I).
Dans son livre Qu'appelle-t-on penser? Heidegger a mit
la lumière sur l'absence d'opposition entre le Mythe (Mύθος), -
la « parole disante » pour les Grecs, l'apparition du paraître et
ce qui se trouve dans le paraître par le dire, tout l'étant
de l'être, - et la Raison (λόγος)
socratique. Mais « Mύθος et λόγος
ne s'écartent l'un de l'autre et ne s'opposent l'un à l'autre, que
là où ni Mύθος ni λόγος ne
peuvent garder leur être primitif. » (Martin Heidegger,
Qu'appelle-t-on penser?, puf, quadrige, Paris, 2014, p. 32).
Mythe et raison sont ici inclus dans une même entité primitive, ils
sont des manifestations, des modes d'être de cette entité. Et plus loin il ajoute : «
C'est un préjugé de l'histoire et de la philosophie, hérité du
rationalisme moderne sur la base du Platonisme, que de croire que le
Mύθος ait été détruit par le λόγος.
Le religieux n'est jamais détruit par la logique, mais toujours
uniquement par le fait que le Dieu se retire. » (Ibid. p.
32). Et cette autre remarque encore sur la vérité de la parole
poétique désignée comme la Beauté : « La beauté est un destin
de l'être de la vérité, où vérité signifie le dévoilement de
ce qui se voile. Beau n'est pas ce qui plaît, mais ce qui tombe sous
ce destin de la vérité qui se produit quand l'éternellement
inapparaissant, et partant l'invisible, parvient dans le paraître la
plus paraissant. » (Ibid. p. 34). Il y aurait une raison
symbolique du mythe dans le primitif de l'être de la raison. le dire
du mythe est à la fois le dire paraissant ce qui doit paraître dans
la raison du dire et l'élancement de l'être dans l'histoire, la
durée, de l'être en raisonnance avec la vérité de la pensée, le
liage de l'être et de la pensée par la parole. Symbole qui est
parole essentielle de l'étant dans sa croyance.
Être c'est croire. L'étonnement est-il une
forme de stupeur? Nous pouvons dire qu'il y a dans l'étonnement des
principes similaires à la stupeur. Le mot « stupeur » peut
désigner quelque chose de plus brutal, une relation plus manifeste
entre le sujet et la vision du paraître. Hölderlin se remémora,
dans un fragment poétique écrit à seize ans, qu'il fut pris d'une
« émotion sacrée » qui lui «fit vibrer le cœur » (Les Miens)
en se trouvant un soir à l'intérieur de soi. On sacre une vision
des choses par des symboles, par un sentiment en relation au «soir
miroitant » (Les Miens), au fleuve paraissant de Hölderlin. Les
choses ne montrent pas, elles ne signifient rien, et il faut pourtant
que quelque chose se formule intérieurement pour, avant que la
parole s’énonce une émotion divine, la savoir comme telle. Et ici
encore, il faut de l'interprétation, lier la hauteur du sentiment
avec la verticalité du divin, la hauteur où nous situons la demeure
éternelle de Dieu. Mais il y a aussi la force de ce sentiment, la
force qui stupéfie l'être. Et cette force parle de quelque chose,
se réalise en quelque chose pour signifier, se référer par le plus
grand des mystères. Hölderlin a alors su parler de son mystère,
subitement, dans le travail des analogies, des correspondances,
surprendre la force du lien, l'unité dans le paraître empirique et
conceptuel. Mais cette force est une pulsion de l'éveil, de la
connaissance, de la présence du divin sur terre, du surgissement, de
l'écrasement de la présence du divin : « soudain, je ne ris
plus,/Soudain, plus grave, je laissai nos jeux d'enfants/Et
balbutiai, vibrant : il faut prier! » (Les Miens). Il pouvait dire
pourtant, dans sa stupeur, « j'étais déjà prêt », prêt à
recevoir ce coup car fabriqué par lui pour lui dans une direction
bien précise. Il faudrait alors ajouter que les parties ou plans congruents de sa stupéfaction, de son saisissement, dans son expérience s'identifient subitement mais au travers d'un travail effectué sur d'autres plans de l'esprit. J'ai envie de faire appel ici à Schelling et à sa
philosophie de la mythologie, sa philosophie positive, à son travail sur le mythe et sa signification. Mais tout cela dans une troisième partie.
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