lundi 21 novembre 2016

Kierkegaard, Post-scriptum définitif, extraits

"La connaissance directement inexprimable parce que l'essentiel en est l'appropriation fait qu'elle devient un secret pour quiconque n'est pas semblablement par lui-même doublement réfléchi ; mais cette forme, étant la forme essentielle de la vérité, fait que celle-ci ne peut pas être exprimée autrement." Post-scriptum définitif, in Œuvres complètes, éd. de l'Orante, Paris, 1977, p. 75

"L'existant est constamment en devenir ; le réel penseur existant subjectif reproduit toujours dans l'exercice de sa pensée cette existence à lui propre et il met toute sa pensée en devenir. Il en est ici comme d'avoir du style : seul en a vraiment celui qui n'a jamais rien de tout prêt, mais qui, chaque fois qu'il se met au travail, "agite les eaux du langage", de sorte que le terme le plus courant prend vie à ses yeux comme s'il était tout neuf." Post-scriptum définitif, in Œuvres complètes, éd. de l'Orante, Paris, 1977, p.81

lundi 14 novembre 2016

Ébauche n°6 sur les Prières

Jésus dit un jour à ses disciples, après que ceux-ci, hébétés de ne pas avoir pu accomplir la guérison d'un épileptique possédé, - ce que ne manqua pas de faire Jésus - lui demandaient la raison de leur échec. "À cause de votre peu de foi. Car en vérité je vous le dis: Si vous avec de la foi gros comme un grain de moutarde, vous direz à cette montagne: 'Déplace-toi d'ici à là, et elle se déplacera, et rien ne vous sera impossible." Cette parole se trouve en Matthieu, 17:20. Avec un foi minime on peut faire sortir un démon d'un corps humain, déplacer une montagne ou croire que le Fils de l'homme est venu sur terre pour laver nos péchés par le sacrifice sur la croix et se ressusciter le troisième d'après sa mort. Comme il n'est pas dans nos habitudes de devoir déplacer un montagne, il faudrait que nous ne doutions pas une seconde, pas un instant, naturellement nous devrions le faire en tant que cet acte participerait naturellement  du pur principe de la raison des choses dans la foi. Jésus voulu dire là, crois naturellement en moi dans ce qu'il y a de plus invraisemblable en toi. On pourrait ajouter : dans ce qu'il y a de plus vraisemblable si tu tiens à espérer en la nature divine du Fils de l'homme. Kierkegaard avait dit dans son post-scriptum que la "vérité consiste dans la transformation intérieure du sujet." Il faudrait que la montagne soit intérieurement dans une autre catégorie d'appréhension psychologique du sujet. C'est l'intérieur qui transforme la montagne et la rend sûrement aussi docilement déplaçable aux intentions du sujet qu'un meuble de maison. Cela doit être la foi. Les disciples n'ont pu extirper le démon du corps d'un enfant mais ils ont suivi Jésus sur la route de Capernaüm en pensant qu'il est le Fils des cieux. Il faut dire aussi que, arrivé à l'âge adulte, on est plus respectueux des réalités extérieures, on se soumet beaucoup plus aux rugosités des déterminations du sensible dans notre approche psychologique des objets. L'enfant, lui, imagine encore un peu, découvre, s'impressionne, forme et déforme dans son esprit le monde extérieur. Il conjectures d'autres réalités, tout du moins, on peut plus facilement lui en donner la foi. Les petits enfants sont les plus grands dans le royaume des cieux, il sont plus proches de l'humilité voulue par le Christ et leur foi plus pure. Ai-je été moi-même baptisé pour redevenir un enfant? En quelque sorte, oui. Mais ceci est un projet dans mon devenir chrétien. Je me suis en tout cas fait tout petit sous l'eau bénite et les regards de l'assistance. Cette vie nouvelle est donc une montée vers l'enfance raisonnable, la noble petitesse qui se pose virilement sur le chemin encore non débroussaillé de la foi. C'est la venue de la plus vivifiante candeur intérieure. Hamann, ce grand luthérien, cet inspirateur du geste, dans son exaltation coutumière, avait bien prévenu dans son Aesthica in nuce "Et en vérité, en vérité, en vérité, il faut que nous devenions des enfants si nous devons recevoir l'Esprit de Vérité que le monde ne peut saisir car il ne le voit pas, et, dût-il même le voir, ne reconnaît pas." C'est qu'il écrit, ce "mage du nord", brillamment dans l'enfance raisonnante, articulant l'humour cinglant d'avec le jeu du langage et du dit réinventés.

samedi 12 novembre 2016

Soren Kierkegaard, extrait journal du 16 février 1839

"Crainte et tremblement (cf. Phil. 2, 12) ne sont pas le primus motor de la vie chrétienne, car c'est l'amour ; mais ils sont ce que le balancier est à l'horloge - ils sont le mouvement de la vie chrétienne./ le 16 fév. 39/." Journal EE : 22-27 . 1839. in Soren Kierkegaard, Journaux et cahiers de notes, Volume II, éd. Fayard/éd. de l'Orante, Paris, p.9.

Tacite, Historiarum, IV, 61, 2.

"61. 2 Munius Lupercus legatus legionis inter dona missus Veledae. Ea uirgo nationis Bructerae late imperitabat, uetere apud Germanos more, quo plerasque feminarum fatidicas et augescente superstitione arbitrentur deas. Tuncque Veledae auctoritas adoleuit : nam prosperas Germanis res et excidium legionum pradixerat./"Minius Lupercus, légat de légion, fut envoyé, entre autres présents, à Véléda. Cette vierge, de la nation des Bructères, exerçait un pouvoir étendu, en raison d'une antique coutume des Germains, qui attribue à beaucoup de femmes des pouvoirs prophétiques et qui, avec les progrès de la superstition, en fait des déesses. À cette époque, l'autorité de Véléda grandit, car elle avait prédit le succès des Germains et l'extermination des légions." (Tacite, Historiarum, IV, 61, 2, éd. Les belles lettres, Paris, p. 52)

Tacite, Germania, VIII.

"VIII. Memoriae proditur quasdam acies inclinatas iam et labantis a feminis restitutas constantia precum et obiectu pectorum et monstrata comminus captiuitate, quam longe inpatientius feminarum suarum nomine timent, adeo ut efficacius obligentur animi ciuitatum quibus inter obsides puellae quoque nobiles imperantur. Inesse quin etiam sanctum aliquid et prouidum putant, nec aut consilia earum aspernantur aut responsa neglegunt. Vidimus sub diuo Vespasiano Veledam diu apud plerosque numinis loco habitam ; sed et olim Albriniam et compluris alias uenerati sunt, non adulatione nec tamquam facerent deas."/"On a gardé le souvenir de formations qui fléchissaient déjà et vacillaient et que des femmes ont redressées par la fermeté de leurs adjurations, faisant une barrière de leurs poitrines, montrant toute proche la captivité qu'ils redoutent beaucoup plus vivement pour leurs femmes, au point qu'on s'assure plus efficacement des dispositions des cités dont on exige aussi, entre autres otages, des filles nobles. Bien plus, ils croient qu'il y a en elles quelque chose de sacré et de prophétique, et ils ne dédaignent pas leurs conseils ni ne négligent leurs réponses. Nous avons vu sous le divin Vespasien Véléda considérée longtemps par beaucoup comme un être surnaturel, mais anciennement encore ils ont vénéré Albrinia et plusieurs autres, non par adulation ni dans la pensée qu'ils faisaient des déesses."(Tacite, Germania, VIII, éd. Les belles lettres, Paris, 2010, p. 75)

Tacite, Annales, XIV, 30, 1.

"30. 1 Stabat pro litore diuersa acies, densa armis uirisque, intercursantibus feminis ; in modum Furiarum, ueste ferali, crinibus deiectis, faces praeferebant, Druidaeque cricum, preces diras, sublatis ad caelum manibus, fundentes, nouitate aspectus perculere militem ut, quasi haerentibus membris, immobile corpus uulneribus praeberent."/"Sur le rivage se dressait l'armée ennemie, dense en armes et en hommes, au milieu desquels couraient des femmes ; telles des Furies, en vêtements de deuil, les cheveux épars, elles brandissaient des torches ; et des druides, tout autour, lançaient des prières sinistres, en levant les mains vers le ciel ; l'étrangeté de ce spectacle bouleversa les soldats au point que, comme s'ils avaient les membres paralysés, ils offraient aux coups leurs corps immobiles." (Tacite, Annales, XIV, 30,1, Les belles lettres, Paris, 2003, p. 95)

lundi 7 novembre 2016

Ébauche n°5 sur les Prières

     Ne faut-il pas étudier les hommes pour comprendre le christianisme, c'est-à-dire ceux qui l'on fait advenir? Ceux qui ont découvert et ouvert à autrui la Parole? Ceux qui n'ont pas connu l'instruction dogmatique et le rituel de la religion qui s'annonce? La tradition. Ceux qui ont cherché par eux-même dans une obscure lumière, un message à définir, je devrais dire plutôt, à révéler, à partir de la Révélation, à construire pour sa propre compréhension pour essayer d'appréhender ce "scandale" du Christ mort sur la croix. Et faudrait-il que je m'attache à rien d'autre pour ma propre confirmation, pour ma propre recherche? La sensation et l'intuition doivent ici se correspondre pour acheminer la conscience sur une telle proposition de recherche. Une proposition que l'on s'est soi-même posée comme une possibilité de croyance pour soi et pour le monde. N'est-ce pas là la marque de l'intellect et du caractère? L'intellect qui n'est pas réfléchissant mais parlant, le caractère qui n'est pas caractéristique de soi mais caractérisant le soi à nouveau par et envers le caractère. Mais tout ceci ne pourrait être qu'une erreur, une fiction de la recherche par une sorte de projection de la manière de chercher, par la façon dont je dois investiguer le chemin pour arriver à ressentir le coup de canif de la formule. Il faudrait que le protestant soit un sublime chercheur du Père, par ses propres lumières, par ses révélations surtout, par ce qui tombe en lui d'irrémédiable pour une vérité de la recherche. Mais qu'est-ce que la confiance du protestant? N'est-il pas fait usage chez lui d'un trop grand rationalisme, d'une émancipation souveraine sur le dogmatisme? Il est peut-être trop "lui-même", trop enfoncé dans l'intériorité, dans le "je", trop sur ses gardes pour mieux s'assurer qu'il n'est pas en train de se perdre, vivifiant un vitalisme instinctif qui est le propre de la pérennité de l'intégrité de sa place d'individu au sein du cosmos. Il faut regarder aussi l'acte de libre examen auquel il soumet l'Écriture, la stricte Écriture, le stricte signe, le stricte emplacement du signe, de sa signification originaire, placée dans le pensée originaire, auquel le protestant choisit de se remettre, d'approfondir, de méditer, de correspondre, de donner un sens, du sens, son sens, etc., il choisit de croire en cette substance particulière de Dieu dans l'annonce de la signification pour un sens individuel. L'annonce du sens du christianisme doit être posé comme l'annonce d'une prodigieuse historicité du télos de la signification. Mais ceci doit-il constituer le lieu où doit se projeter l'intériorité de l'individu dans la sensation et l'intuition de la recherche? Pourquoi les précurseurs du christianisme avaient-ils quelque chose de plus originaire à dévoiler, à comprendre, à faire vivre par le biais de l'Écriture? Il eu fallu qu'une origine aussi leur arrive tout droit dans l'affect et dans la croyance. Qu'ils recherchent pour leur compte la Parole en leur existence. Qu'ils s'élancent dans le dépassement de l'être. Peut-être, primitivement, y arrivaient-ils plus facilement que nous, qu'ils aient pu être en quelque sorte incorporé instinctivement par une sorte d'instinct mêlé à l'étrange inquiétude du devenir. Le protestant est-il déjà tout fait de la substance du Père, le Père et lui se modelant mutuellement dans son expérience spirituelle? Il sent, il a besoin de sentir, de ressentir, là est la rationnelle assurance. Il a sûrement besoin de ressentir que le péché est la plus grande des maladies, il a besoin de ressentir l'âme du corps ou plutôt, le corps de l'âme dont la santé doit être pour lui la première des préoccupations de son individu.
     Le protestant est en quelque sorte le considérant, en usant d'une terminologie proche de Saint-Bernard dans son De consideratione, en opposition au contemplant, le contemplatif, celui qui sait infailliblement de la manière la plus intuitive. Mais ceci n'est-il pas un peu trop exagéré, surfait, déjà joué d'avance? Le protestant doit-il être joué d'avance en tant que sujet chrétien en face de l'Écriture? En effet, comment par exemple, être un considérant du Dieu incarné? Il eu fallu l'acte de séduction de l'Écriture par la révélation de l'amour et de la charité du Fils. Et ainsi, charmé et devenu amant docile mais fiévreux de la recherche du Père par le Fils, dans le Fils. Il eu fallu que l'incarnation soit le médium entre la recherche et le ressentir de la vérité, entre le sens de l'homme et le sens de Dieu, entre le considérant et le contemplant. Il eu fallu qu'il adhère à sa propre importance, à sa propre centralité dans l'infinité de l'univers, dans le chaos perpétuel des astres et des êtres où une mère soucieuse se pencherait vers lui, souriante, dans son berceau aussi infime et risible que l'inexistence. Je tourne et retourne encore la question, la réflexion, j'essaie de vivre cette quête ou plutôt, de devenir ce sujet kierkegaardien convoitant la vérité subjective. Pour Kierkegaard, la foi est ce qui présente l'unique intérêt du sujet dans sa vie, opposant foi et contemplation car celle-ci est pour lui le propre du sujet ne se trouvant pas dans la foi car n'étant pas dans l'unique but de la vérité du christianisme. Le contemplant est statique, esthétique, il écoute en quelque sorte quelque chose de la nature. Si il sait intuitivement, il ne cherche pas, il sait là le but de quelque chose pour lui, subjectivement. On devrait dire qu'il ne souffre pas, que la douleur à ce moment, à ce stade de contemplation , ne l'occupe pas, n'entre pas en lui, ne vit pas en lui. La souffrance doit être la première part de la foi. Je crois parce que je souffre. Kierkegaard croit parce que, passionné, il souffre, souffrant parce qu'il dans l'objet de la passion amoureuse de Dieu. La foi doit se rapporter au mystère de notre souffrance, à l'éclosion de notre souffrance dans le monde. Ne cherche-t-on pas une guérison à un mal génétique? À un mal d'espèce? Et la recherche de l'apaisement serait aussi un trait d'espèce. Nous recherchons le sens du cosmos en-dehors du temps, une raison qui soit absolue, interposée dans l'existence des choses pour leur révéler, nous révéler, un but unique et immuable. Un fondement, un rattachement, une liaison, un récolement de l'absolu du Dit, tout le Dit du fondement en nous, dans la subjectivité, une synthèse entre l’intangibilité de la Voix et l'infinité de la variété de l'acte d'être des étants. L'intimité de soi dans l'autre, voilà la passion, voilà la souffrance, voilà la vie et la mort peut-être. Il faudrait connaître ce genre d’obsession, cette infernale atteinte qui nous tire le long de notre vie terrestre, nous, possédés, tirés tel un Dionysos dans la jouissance du possible ou un cadavre désolé, laissant ça et là des lambeaux de soi décuplant sa solitude. Le véritable amour n'est-il pas toujours une œuvre à accomplir, d'une pureté monumentale? C'est pour ça qu'il ne souffre jamais le galvaudage ou la médiocrité. Ainsi il en va de l'amour de Dieu ou d'une femme. Il semble au revers de tout ceci qu'une insondable illusion berce notre volonté du jouir dans l'élément esthétique de notre sentiment passionnel. On est tiré sensiblement comme du bétail par la passion de l'objet aimé. On subit un quelque chose, un je ne sais quoi, qui paraît répondre à une carence affective, à un vide, à ce qui serait regardé comme un fétichisme, résultant peut-être que d'un manque de soi, d'une faiblesse à dominer la réalité extérieure et intérieure. (il faudrait commenter plus à fond Kierkegaard et le post-scriptum définitif. Par exemple, lorsqu'il dit en § 1 L'Écriture sainte, "Quand on voit dans l'Écriture le critère certain permettant de décider ce qui est chrétien et ce qui ne l'est pas il importe de lui donner toute garantie historique et critique." Le critère est dans ce sens pris en soi dans la Bible, ce doit être le message doctrinal où peut être fait référence "l'inspiration" dont parle ensuite Kierkegaard. Mais bien sûr, s'il y a désaccord entre critique et inspiration comment évaluer à bon escient le travail de reconnaissance critique et historique? "Mais la savante théologie critique, par contre, ne laisse pas une impression sans mélange. (...) Le croyant qui constate l'inspiration doit logiquement tenir tout examen critique, favorable ou non, comme dangereux et y voir une sorte de tentation à douter ; et il est impossible à qui se lance dans ces recherches critiques sans avoir la foi, de prétendre en faire sortir l'inspiration." p. 22-24 in Œuvres complètes tome 10). En bref, quel type d'inspiration se fait jour pour l'homme de foi chrétien dans l'Écriture? Elle doit être objective et subjective à la fois pour une évaluation historico-spirituelle des textes.

mercredi 2 novembre 2016

                                      - épistémologie - ontologie -

                                                    - monisme -
                                            - pré-ontophénologie -

                                            - réalisme - idéalisme -
                                                  - idéal- virtuel -
                                            - réel - transcendantal -

                                     - phénoménologie - analytique - 
                           - phénoménologie dans le transcendantal -
                                          - analytique dans l'idéal -

                                   - constructivisme - idéal - réal -
- réappropriation du réal mais non idéel - réappropriation réal du réel par le sujet -

- imagination - acte pulsionnel dans la communication - réaction avant l'imaginaire -

                        - une pré-ontophénologie est-elle une chose? -
- le langage est-il un quelque chose de plus? - la finalité du mouvement de la psyché - l'esprit est-il la plasticité de la matière - point de vue sur une chose - un objet est vue comme... le comme doit être tout l'objet de la description -

- fiction du virtuel - tout est - idéalisme dans le réalisme - concept du réalisme - le réalisme et l'idéalisme ne sont pas en horizontalité philosophique -l'un est plus honnête que l'autre, moins pervers -

- sur les moyens de connaissance - si l'on ne perçoit ni ne conçoit le réel nous ne connaissons pas alors l'idéal -

             - sur la liberté du phénomène transcendantal - idiome originaire -

            - point de vue herméneutique - compréhension de soi et de l'autre - compréhension actualisée - réécrite - reconstruite -

- le paraître dans la systématique transcendantale - l'apparition rejoint la présentation mais non la parence - fiction du rien - invention du vide - l'absence - de quelle absence le langage est-il la chose? - sur l'inexistence de l'indéterminé - penser le rien est une pensée sur un déterminé non sur une absence -

Ébauche n°4 sur les Prières

L'esprit cherche la gloire dans le Christ, il convoite d'être à son image, de faire mourir tout ce qui le détournerait de sa voie. Et ces femmes ne sont-elles pleines d'une vie par la mort, sur la mort, pour le moins extraordinaire? (à rattacher avec l'ébauche n°3) Non pas la mort, juste l'autre monde devenu visible, dont l'opacité s'est rétractée, par la parole, par le désir, par la confiance. Elles ont manié, terrible, le langage de l'inconnu. D'une virilité dans la prière à laquelle la plupart d'entre nous ne sommes plus capables. Elles ne sont là pourtant que pour se montrer plus petites, plus chétives, que le grain de sable que la mer avale sans que d'aucun sans soucie. Elles s'engloutissent imperceptiblement dans cette vie cachée d'avec le Christ pour rejoindre l'éternel. Elles me sont devenues invisible, habillées d'une personnalité nouvelle, transfigurée? Non. Étrange? À coup sûr. Elles ont rompu l'ordre débile du jour par le feu de la grâce. Remplie de beauté cette sûreté de la connaissance exacte, cette pure vérité qui est fondement dans le tout et indifférence dans les choses. La prière doit rompre le chaos des choses, des pratiques, des divergences, des superstitions, des races, des conditions sociales, etc., pour que la parole reflue dans son premier principe, vers le Père Créateur, avant que le monde ne fut monde, avant que les milliards d'étoiles dans l'univers ne scintillent dans une nuit inconnue. L'ultime but de la prière n'est-il pas de n'avoir plus à rien dire de l'être? De l'épuiser, de l'effondrer, comme un vulgaire surplus du tout? Que la parole soit seule Parole du Fils avec le Père? Mais la Parole est encore une demeure où se manifeste l'acte universel, cette potentialité de tout commencement, où s'exerce toute la puissance majestueuse de l'amour de Dieu. "Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était dieu." Jean, 1. Ce commencement parle pour ce qui adviendra, il ne parle pas pour le présent de la Parole, pour son entièreté dialectique, dans toutes les possibilités d'expression de la Parole. La Parole était déjà là dans sa forme la plus essentielle, et cette forme était celle de la possibilité en puissance qui fut un signe idéel, une idéalité de la lumière du Christ. Tout était déjà là avant avant le commencement dans la Parole, dans la lumière, le croyant et l'incroyant, la vie et la mort, toute la gloire du Christ, sa passion, sa résurrection, etc. Tout n'était-il pas en fait terminé, possédé, conçu sans le besoin du dépliement de l'être? Dieu dit que tout est consommé, mais ceci est à regarder en-dehors de l'acte de la Parole en soi
     La Parole se voit et ne se voit, et, s'étend absolument sans que l'entièreté de sa sonorité s'authentifie dans notre conscience. Les paraboles s'entendent et se représentent comme ce qui est donné à voir et à entendre dans la Parole se faisant parabole. La parabole est faite pour faire entendre une métamorphose de l'invisible. L'eucharistie en est le symbole le plus frappant. Le pain et le vin sont les symbole d'une représentation organique et corporelle, le corps du Christ, ce corps était lui-même une métamorphose pour que l'homme "sache". Qu'il "sache" comme il peut "savoir". Et "avoir" ce "savoir" comme une signification particulière. Il y a la surface du Christ et la profondeur du Christ. La foule doit rester à la surface, les disciples doivent entrer dans la profondeur de la Parole. C'est cette image importante que l'on trouve en l'évangile de Mathieu lorsque le Christ parti vers le rivage d'en face (à préciser) pour prier sur la montagne et que les disciples durent le précéder sur la barque sans que, ballotté par des vents contraires en pleine mer, ceux-ci ne purent avancer sans le secours du Sauveur sans qui rien ne peut s'accomplir et être mené à bon port. Être mené à bon port là où le Christ veut prier, en-dehors de la foule sur une montagne. Là où toute parabole de la Parole sera absente.  Et si cette barque se veut être, selon Origène dans son commentaire, celle des tentations et périls, elle doit être aussi une justification de la connaissance de la profondeur de la Parole et de l'espérance où devrait-on dire confiance ainsi que de la pratique de ce sol convoité que les disciples essaient d'atteindre éperdument. La surface du Christ c'est la pain donné à la foule pour la bénédiction, c'est l'encouragement à ressentir dans le cœur les rives du véritable royaume. La profondeur c'est la terre du Père Lui-même où toute prière s'efface dans une communion absolue avec l'invisible et la certitude. La surface du Christ est notre premier apprentissage, la mesure de nos sens les plus élémentaires où nous sommes plus à même d'appréhender, de pouvoir être convaincu, de savoir, de connaître comme l'on connaîtrait toutes choses, familièrement. Mais cette connaissance du Christ doit être issue d'une familiarité propre à ce que l'intelligence du sujet permet dans la foi. Il est le Fils mais aussi l'homme, il peut faire comprendre à la foule le message approprié par son union corporelle avec celle de l'homme. (Mais nous sommes si peu nés pour endurer toute la lumière du Fils dans l'homme.) En même temps qu'il est plus que ce corps, qu'il est ce ciel que la plupart perçoivent en le regardant. On sait et on sent que c'est aussi le ciel. Qu'il est cet amour du Père, cet amour infini pour nous, amour qui n'a d'autre fin que de nous relever de nos misères. Et nous avons une confiance instinctive en ce sentiment, le malades et pécheurs marchent en cette direction pour leur guérison comme s'il ne pouvait pas en être autrement, comme s'ils vivaient dans le secret de la Parole de Dieu.
      La montagne c'est aussi l'effort intérieur pour arriver à sa comprendre soi-même, à s'occuper de son âme. C'est avant tout une expérience spirituelle. C'est entrer dans le véritable devenir personnel de l'âme. Pour son sermon à l'occasion de la fête de tous les saints, Isaac de l'Étoile, reprenant le passage de saint Mathieu à tout particulièrement parlé d'une interior quaedam turba plus pernicieuse que la foule extérieure car résidant perpétuellement en nous et donc plus difficile à s'en émanciper. Plus propre encore à empêcher les étapes intérieures de la connaissance du Fils, à gravir la montagne pour rejoindre le Christ priant dans la lumière du Père, du Fils et du Saint-Ésprit. La "foule", on doit bien s'entendre alors sur ce mot, on doit bien sentir la confusion, l'indétermination, la peur, le compromis, l'absence de repère, l'inconstance, la frivolité, l'irrationnel, l'hypersensibilité, l'envie démocratique, la bassesse, etc. Toute une foule n'ira jamais, d'un même pied, sur le plus haut sommet de la montagne. Ce sera toujours l'apanage d'une très petite minorité, non pas une caste ou une élite, mais des élus, ceux qui peuvent par la grâce et la volonté, s'accomplir en tant qu'élus. Et la foule regarderait ces élus avec le contentement de l'incompréhension, de la mollesse souveraine, de la foi subordonnée aux condition matérielles et physiques. Il faut bien voir que le Christ est parti sur la cime de la montagne pour prier, et qui plus est, le Père. Là, dans la solitude, baigné par la lumière donc par la Parole. Parole contre Parole, Soi avec Soi. Recueillant son être pour mieux l'offrir, dépouillant son âme pour mieux en exposé l'inexprimable pureté, absolue et inégalable. La foule est trop loin, les disciples eux, contemplent semble-t-il, une région inconnue. Jusque tard dans la nuit Jésus pria. Puis il redescendit et marcha sur la mer en direction des disciples. Il fallait venir vers lui. Il fallait croire en lui. Marcher sur l'eau? Pierre toqua sûrement mais se mit tout de même à poser un pas dans l'impossible et l'impossible arriva. Il marcha vers Jésus lorsque subitement le vent d'une tempête le menaça spirituellement. Pierre devint tout d'un coup comme la foule. "Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté?" dit Jésus à Pierre après lui avoir porté secours. Pierre, tu as donc vu cet Homme marché sur l'eau et tu n'avais pas toute ta confiance! "Viens!" avait-il dit, et ta confiance n'était pas de deux coudés au-dessus de tes genoux? Il fallait s'aventurer tout de même à l'intérieur de soi puisque le véritable danger était celui de l'âme confiante, la solidité du sol intérieur, de l'existence solide du devenir de la certitude de la confiance, de la croyance. Pierre voulait-il plus de temps dans son expérience pour marcher ainsi sans vaciller? Quelle preuve pour quel temps? Combien de temps lui aurait-il fallu ambitionner? Combien de preuves avant de fermer les yeux sur soi et de se confier, de se donner, de s'anéantir dans l'absolue vérité?