mercredi 2 novembre 2016

Ébauche n°4 sur les Prières

L'esprit cherche la gloire dans le Christ, il convoite d'être à son image, de faire mourir tout ce qui le détournerait de sa voie. Et ces femmes ne sont-elles pleines d'une vie par la mort, sur la mort, pour le moins extraordinaire? (à rattacher avec l'ébauche n°3) Non pas la mort, juste l'autre monde devenu visible, dont l'opacité s'est rétractée, par la parole, par le désir, par la confiance. Elles ont manié, terrible, le langage de l'inconnu. D'une virilité dans la prière à laquelle la plupart d'entre nous ne sommes plus capables. Elles ne sont là pourtant que pour se montrer plus petites, plus chétives, que le grain de sable que la mer avale sans que d'aucun sans soucie. Elles s'engloutissent imperceptiblement dans cette vie cachée d'avec le Christ pour rejoindre l'éternel. Elles me sont devenues invisible, habillées d'une personnalité nouvelle, transfigurée? Non. Étrange? À coup sûr. Elles ont rompu l'ordre débile du jour par le feu de la grâce. Remplie de beauté cette sûreté de la connaissance exacte, cette pure vérité qui est fondement dans le tout et indifférence dans les choses. La prière doit rompre le chaos des choses, des pratiques, des divergences, des superstitions, des races, des conditions sociales, etc., pour que la parole reflue dans son premier principe, vers le Père Créateur, avant que le monde ne fut monde, avant que les milliards d'étoiles dans l'univers ne scintillent dans une nuit inconnue. L'ultime but de la prière n'est-il pas de n'avoir plus à rien dire de l'être? De l'épuiser, de l'effondrer, comme un vulgaire surplus du tout? Que la parole soit seule Parole du Fils avec le Père? Mais la Parole est encore une demeure où se manifeste l'acte universel, cette potentialité de tout commencement, où s'exerce toute la puissance majestueuse de l'amour de Dieu. "Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était dieu." Jean, 1. Ce commencement parle pour ce qui adviendra, il ne parle pas pour le présent de la Parole, pour son entièreté dialectique, dans toutes les possibilités d'expression de la Parole. La Parole était déjà là dans sa forme la plus essentielle, et cette forme était celle de la possibilité en puissance qui fut un signe idéel, une idéalité de la lumière du Christ. Tout était déjà là avant avant le commencement dans la Parole, dans la lumière, le croyant et l'incroyant, la vie et la mort, toute la gloire du Christ, sa passion, sa résurrection, etc. Tout n'était-il pas en fait terminé, possédé, conçu sans le besoin du dépliement de l'être? Dieu dit que tout est consommé, mais ceci est à regarder en-dehors de l'acte de la Parole en soi
     La Parole se voit et ne se voit, et, s'étend absolument sans que l'entièreté de sa sonorité s'authentifie dans notre conscience. Les paraboles s'entendent et se représentent comme ce qui est donné à voir et à entendre dans la Parole se faisant parabole. La parabole est faite pour faire entendre une métamorphose de l'invisible. L'eucharistie en est le symbole le plus frappant. Le pain et le vin sont les symbole d'une représentation organique et corporelle, le corps du Christ, ce corps était lui-même une métamorphose pour que l'homme "sache". Qu'il "sache" comme il peut "savoir". Et "avoir" ce "savoir" comme une signification particulière. Il y a la surface du Christ et la profondeur du Christ. La foule doit rester à la surface, les disciples doivent entrer dans la profondeur de la Parole. C'est cette image importante que l'on trouve en l'évangile de Mathieu lorsque le Christ parti vers le rivage d'en face (à préciser) pour prier sur la montagne et que les disciples durent le précéder sur la barque sans que, ballotté par des vents contraires en pleine mer, ceux-ci ne purent avancer sans le secours du Sauveur sans qui rien ne peut s'accomplir et être mené à bon port. Être mené à bon port là où le Christ veut prier, en-dehors de la foule sur une montagne. Là où toute parabole de la Parole sera absente.  Et si cette barque se veut être, selon Origène dans son commentaire, celle des tentations et périls, elle doit être aussi une justification de la connaissance de la profondeur de la Parole et de l'espérance où devrait-on dire confiance ainsi que de la pratique de ce sol convoité que les disciples essaient d'atteindre éperdument. La surface du Christ c'est la pain donné à la foule pour la bénédiction, c'est l'encouragement à ressentir dans le cœur les rives du véritable royaume. La profondeur c'est la terre du Père Lui-même où toute prière s'efface dans une communion absolue avec l'invisible et la certitude. La surface du Christ est notre premier apprentissage, la mesure de nos sens les plus élémentaires où nous sommes plus à même d'appréhender, de pouvoir être convaincu, de savoir, de connaître comme l'on connaîtrait toutes choses, familièrement. Mais cette connaissance du Christ doit être issue d'une familiarité propre à ce que l'intelligence du sujet permet dans la foi. Il est le Fils mais aussi l'homme, il peut faire comprendre à la foule le message approprié par son union corporelle avec celle de l'homme. (Mais nous sommes si peu nés pour endurer toute la lumière du Fils dans l'homme.) En même temps qu'il est plus que ce corps, qu'il est ce ciel que la plupart perçoivent en le regardant. On sait et on sent que c'est aussi le ciel. Qu'il est cet amour du Père, cet amour infini pour nous, amour qui n'a d'autre fin que de nous relever de nos misères. Et nous avons une confiance instinctive en ce sentiment, le malades et pécheurs marchent en cette direction pour leur guérison comme s'il ne pouvait pas en être autrement, comme s'ils vivaient dans le secret de la Parole de Dieu.
      La montagne c'est aussi l'effort intérieur pour arriver à sa comprendre soi-même, à s'occuper de son âme. C'est avant tout une expérience spirituelle. C'est entrer dans le véritable devenir personnel de l'âme. Pour son sermon à l'occasion de la fête de tous les saints, Isaac de l'Étoile, reprenant le passage de saint Mathieu à tout particulièrement parlé d'une interior quaedam turba plus pernicieuse que la foule extérieure car résidant perpétuellement en nous et donc plus difficile à s'en émanciper. Plus propre encore à empêcher les étapes intérieures de la connaissance du Fils, à gravir la montagne pour rejoindre le Christ priant dans la lumière du Père, du Fils et du Saint-Ésprit. La "foule", on doit bien s'entendre alors sur ce mot, on doit bien sentir la confusion, l'indétermination, la peur, le compromis, l'absence de repère, l'inconstance, la frivolité, l'irrationnel, l'hypersensibilité, l'envie démocratique, la bassesse, etc. Toute une foule n'ira jamais, d'un même pied, sur le plus haut sommet de la montagne. Ce sera toujours l'apanage d'une très petite minorité, non pas une caste ou une élite, mais des élus, ceux qui peuvent par la grâce et la volonté, s'accomplir en tant qu'élus. Et la foule regarderait ces élus avec le contentement de l'incompréhension, de la mollesse souveraine, de la foi subordonnée aux condition matérielles et physiques. Il faut bien voir que le Christ est parti sur la cime de la montagne pour prier, et qui plus est, le Père. Là, dans la solitude, baigné par la lumière donc par la Parole. Parole contre Parole, Soi avec Soi. Recueillant son être pour mieux l'offrir, dépouillant son âme pour mieux en exposé l'inexprimable pureté, absolue et inégalable. La foule est trop loin, les disciples eux, contemplent semble-t-il, une région inconnue. Jusque tard dans la nuit Jésus pria. Puis il redescendit et marcha sur la mer en direction des disciples. Il fallait venir vers lui. Il fallait croire en lui. Marcher sur l'eau? Pierre toqua sûrement mais se mit tout de même à poser un pas dans l'impossible et l'impossible arriva. Il marcha vers Jésus lorsque subitement le vent d'une tempête le menaça spirituellement. Pierre devint tout d'un coup comme la foule. "Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté?" dit Jésus à Pierre après lui avoir porté secours. Pierre, tu as donc vu cet Homme marché sur l'eau et tu n'avais pas toute ta confiance! "Viens!" avait-il dit, et ta confiance n'était pas de deux coudés au-dessus de tes genoux? Il fallait s'aventurer tout de même à l'intérieur de soi puisque le véritable danger était celui de l'âme confiante, la solidité du sol intérieur, de l'existence solide du devenir de la certitude de la confiance, de la croyance. Pierre voulait-il plus de temps dans son expérience pour marcher ainsi sans vaciller? Quelle preuve pour quel temps? Combien de temps lui aurait-il fallu ambitionner? Combien de preuves avant de fermer les yeux sur soi et de se confier, de se donner, de s'anéantir dans l'absolue vérité?

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