La prière doit donc être regardée comme cette complétude de notre être afin que nous advenions à devenir, à accomplir, à former cet être pour qu'il se fasse certitude et affirmation non pas de son existence mais de l'existence universelle; être pur, pure gloire du Christ, aboutissement de l'amour du créateur à sa créature. Plus précieuse rencontre où l'intérieur et l'extérieur s'abolissent pour ne laisser place qu'à un seul et même corps de l'esprit qui ne peut figurer que l'origine et la fin de tout, dans le silence, la beauté, la sainteté et la félicité absolue. Et toute la faute en est par là même tombée. C'est donc là un lieu de rencontre entre la créature qui est dans la connaissance du Père et le connu que la créature à de Lui. Ce Père éternel, Dieu de Clotilde et de Jeanne, souvenir de l'antique France naît dans la bataille de nos pères, du sang de nos pères, dans une foi nouvelle, dans une nouvelle espérance, remise à la souveraineté de ce qui ne se dévoile pas encore sans le combat intérieur de l'homme pour entrer fermement dans la présence du Père et de s'affermir en Lui (Esaïe 7:9). Il faut alors être bien planté dans l'espérance pour affronter ce je ne sais quoi qui n'est que l'écoute du vent, du tangible, du scepticisme. Espérance qui n'est pas toute la confiance, qui n'est que la foi allée au devenir d'elle-même pour se développer, s'étirer, s'agrandir, et régner. Ô, comme elles se tiennent ferme et droite ces femmes, dans l'église de Saint Nicolas, ces mères, sur le grinçant du bois de chaise, dans le clair-obscur, devant la chapelle de la Vierge, baissant leurs têtes majestueuses pour saluer Marie pleine de grâce, infatigables, puissantes et tragiques, voilà comment il faut prier, voilà comment prendre à bras le corps la Parole évangélique, pour l'infuser dans les tréfonds de son âme jusqu'à porter tout le poids du mystère, pleinement, sans vaciller. "Je vous salue, Marie, je vous salue, Marie pleine de grâce; le Seigneur est avec vous." Tout chrétien st un soldat de l'âme, un mystique, un adorateur de la Croix. IL combat la nuit de l'homme, la sienne avant toute chose, pour se porter constamment dans la transcendance, dans la plénitude contemplative des siècles passés, ce qui reste dans le socle, qui n'a nul besoin de modifications ou de changement; méprisant ce qui éprouve la nécessité de nouveauté, ce qui veut s'accomplir dans la perpétuelle absence de relévation, d'âme, de spiritualité, c'est-à-dire dans un vide absolument vide. Dans cette perdition de l'être où l'homme se cherche inconsidérément dans le fantasme de ce qui ne peut jamais venir à accomplissement. Ces femmes alors, si bien clouées par leur chair sur cette terre béni de France, s'élèvent aussi sûrement pour s'implanter dans l'éternité du Mystère, dans ce monde invisible où pourtant une terre est promise et où il nous faut nous oublier, s'éteindre, s'incorporer bien plus profondément encore dans ce qui est le plus fondamental, ce sur quoi toute manifestation de l'être est possible. Ce rivage lointain du pur Esprit. On pourrait croire ici à une dualité entre le corps et l'esprit alors qu'il est en fait question d'une correspondance, d'une symétrie, entre deux versants du monde et de l'existence. L'esprit dans la foi est bien plus solide quand le corps, tout attaché, tout entièrement donné à sa pénétrante condition matérielle se pense dans une foi que l'esprit lui confère par un sculptage intérieur. Le corps est alors d'une noblesse étrange, regardant un rapport différent avec le monde matériel, il spiritualise, car comment aurait-il pu sortir indemne du geste artistique de l'esprit. Indemne de cette volonté de l'âme de dominer de manière totalitaire tout ce qui l'entoure et d'obéir à ses volontés, à ses aspirations les plus profondes. C'est sûrement la marque de cette volonté droite dont parle Bossuet dans on livre sur la connaissance de Dieu, cette quête de la vérité qui doit rendre toute chose disponible à cet effet "Car l'âme qui veut entendre la vérité aime dès là cette vérité que Dieu aime éternellement, et l'effet de cet amour de la vérité est de nous la faire chercher avec une ardeur infatigable, de nous y attacher immuablement quand elle nous est connue, et de la faire régner sur tous nos désirs.", De la connaissance de Dieu et de soi-même, chapitre IV, X.
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