"Tout l'étant est en l'Être. Voilà qui résonne à notre oreille d'une manière triviale, sinon offensante. Car, de cela que l'étant appartient à l'Être, nul n'a besoin de se soucier. Que reste-t-il d'autre à l'étant que d'être? Et pourtant, justement ceci que l'étant demeure recueilli en l'Être, que l'étant apparaît dans la lumière de l'Être, voilà ce qui étonne les Grecs, et eux d'abord, et eux seuls." Martin Heidegger.
En 1978, Georges Steiner, écrivain et théoricien du langage, a signé un essai introductif à la pensée du philosophe allemand Martin Heidegger (1889-1976). Essai assez réussi dans une certaine mesure, compte tenu - et il l'explique lui-même dans le premier chapitre - de la complexité de la pensée heideggerienne mais aussi la publication alors très partielle des œuvres publiées en 1978 ainsi qu'une certaine limite des possibilités purement philosophiques de Steiner. La traduction donnée par Denys de Caprins du texte de Steiner est claire et souple ainsi que l'exposition détaillée par Steiner de la philosophie générale du célèbre philosophe, de sa pertinence et de ses enjeux. On y trouve les éléments fondamentaux qui structurent l'argumentation d'un renouvellement de la problématique de l'être chez Heidegger. Ce renouvellement est pris dans la filiation de la pensée de l'être de l'étant chez Anaximandre, Heraclite et Parmenide dans son étonnement pure en opposition à la méthode analytique et rationnelle en cours depuis Socrate. Les concepts d'étant et d'être, qui sont le noyau dur et le moteur de cette pensée, sont décortiqués et mis en relief à travers le parcourt intellectuel de Heidegger, de sa lecture à 18 ans de l'étude de Brentano intitulée Des sens multiples de l'être selon Aristote à ses derniers grands écrits comme le colloque de Fribourg consacré à Héraclite, en passant bien sûr par Être et temps (Sein un Zeit), livre qui occupe un chapitre à lui seul sur les quatres que compose ce livre.
Steiner n'oublie pas de signaler qu'au moment de son étude (1978) aucune interprétation un temps soit peu représentative de ce que Heidegger a voulu précisément dire par Sein (être) est, en suivant l'avis du commentaire de Wilfried Franzen, encore possible. Il semble que nous ne soyons pas plus entré dans la lumière d'une réponse définitive aujourd'hui. La problématique du langage, de sa nature, de son impossibilité ou de sa possibilité même de pouvoir questionner le fondement de ce qui est comme étant là en opposition au néant, articulé autour des problèmes philosophiques liés au monde, aux questions humaines et de la parole, ouvre à la définition propre de la philosophie pour Heidegger et au rôle qu'elle doit jouer. Conduisant inévitablement au renversement des valeurs de méthodes et de questionnements philosophiques alors en court depuis Platon. Ainsi voit-on poindre l'idée de cet "oublie de l'être" que dénonce le philosophe allemand, le terme "être" étant devenu simple formule syntaxique ayant perdu son sens, sa substance originelle de forme de présence au monde.
On pourrait rechigner sur la conception même des chapitres, ou alors du manque de consistance, pour ne pas dire, de compréhension, de la philosophie de l'art dans l'optique heideggerienne. On pourrait aussi juger que son hypothèse d'un parallèle entre la philosophie dégagée dans Être et temps et la théorisation du nazisme est un peu poussée trop en avant et reste sans justification concrète ou convaincante, voir même anachronique. On peut juger utile et intéressante la tentative de Steiner d'essayer de trouver des points de convergence entre les différents courants philosophiques ou certains penseurs contemporains de Heidegger notamment le parallèle avec Wittgenstein. Il conviendrait sûrement de lire, pour le lecteur néophyte, cette introduction avec en regard la recension qu'en a faite en 1981 Danielle Lories, qui critique avec pertinence les possibles incohérences conceptuelles et les lacunes de Steiner quant à certaines interprétations. Livre à conseiller pour toute personne voulant s'initier à la pensée générale de Heidegger mais peut-être ne vaudrait-il pas mieux, pour entrer plus en profondeur dans l'exégèse de la pensée du maître, la très brillante introduction de Jean Wahl Introduction à la pensée de Heidegger parue au Livre de poche bien que celle-ci soit datée.
Georges Steiner, Martin Heidegger, éd. flammarion, Champs essai, Paris, 2008, 215 p.
Steiner n'oublie pas de signaler qu'au moment de son étude (1978) aucune interprétation un temps soit peu représentative de ce que Heidegger a voulu précisément dire par Sein (être) est, en suivant l'avis du commentaire de Wilfried Franzen, encore possible. Il semble que nous ne soyons pas plus entré dans la lumière d'une réponse définitive aujourd'hui. La problématique du langage, de sa nature, de son impossibilité ou de sa possibilité même de pouvoir questionner le fondement de ce qui est comme étant là en opposition au néant, articulé autour des problèmes philosophiques liés au monde, aux questions humaines et de la parole, ouvre à la définition propre de la philosophie pour Heidegger et au rôle qu'elle doit jouer. Conduisant inévitablement au renversement des valeurs de méthodes et de questionnements philosophiques alors en court depuis Platon. Ainsi voit-on poindre l'idée de cet "oublie de l'être" que dénonce le philosophe allemand, le terme "être" étant devenu simple formule syntaxique ayant perdu son sens, sa substance originelle de forme de présence au monde.
On pourrait rechigner sur la conception même des chapitres, ou alors du manque de consistance, pour ne pas dire, de compréhension, de la philosophie de l'art dans l'optique heideggerienne. On pourrait aussi juger que son hypothèse d'un parallèle entre la philosophie dégagée dans Être et temps et la théorisation du nazisme est un peu poussée trop en avant et reste sans justification concrète ou convaincante, voir même anachronique. On peut juger utile et intéressante la tentative de Steiner d'essayer de trouver des points de convergence entre les différents courants philosophiques ou certains penseurs contemporains de Heidegger notamment le parallèle avec Wittgenstein. Il conviendrait sûrement de lire, pour le lecteur néophyte, cette introduction avec en regard la recension qu'en a faite en 1981 Danielle Lories, qui critique avec pertinence les possibles incohérences conceptuelles et les lacunes de Steiner quant à certaines interprétations. Livre à conseiller pour toute personne voulant s'initier à la pensée générale de Heidegger mais peut-être ne vaudrait-il pas mieux, pour entrer plus en profondeur dans l'exégèse de la pensée du maître, la très brillante introduction de Jean Wahl Introduction à la pensée de Heidegger parue au Livre de poche bien que celle-ci soit datée.
Georges Steiner, Martin Heidegger, éd. flammarion, Champs essai, Paris, 2008, 215 p.
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