L’objet chez Adolf Loos paraît résister au temps, à la légèreté des modes, toujours utile dans sa fonction mais aussi utile dans son paraître. Entre le conventionnel, la traditionnel et un design spécifique qui installe l’objet dans une modernité véritable. L’objet a sa propre manière d’être, une élégance pure et expressive. On peut y lire des traits esthétiques du début du XXeme siècle et en même temps un référentiel plus lointain qui opère dans la sobriété de l’objet.
Mais Loos se garde bien de se référer expressément a un ancrage dans une esthétique du passe. Ne disait-il pas justement dans Céramique (1904) «Je n’écris que pour des hommes qui possèdent un sentiments moderne. Pour des hommes qui sont reconnaissants à l’ordre universel d’avoir à vivre aujourd’hui et non en des siècles antérieurs. Je n’écris pas pour des hommes qui se consument en nostalgie de la Renaissance et du rococo.» C’est une image paradoxale que nous présente ainsi l’architecte. Image d’un iconoclaste pur et dur et d’un maître en confrontation avec certaines tendances nouvelles de son époque. Mais il ne faut pas s’y tromper, les deux critères fondamentaux qui sous tendent sa démarche esthétique sont le matériau de l’objet la fonction de l’objet. On dirait que Loos, dans sa simplicité et sa parcimonie, utilise le rasoir d’Occam pour conceptualiser ses objets. La forme de l’objet est donc représentative de l’utilité de l’objet. Et c’est ici que l’on trouve le sens esthétique de Loos qui est une clarification de ce que doit être l’objet dans sa manière d’être au monde. C’est la fonction que veut donner l’utilisateur qui structure la forme esthétique.
Lampes, vers 1900 |
Deckenleuchte, vers 1912 |
Traditionelle Wandleuchte |
Loos critiquait l’ornementation qui avait cours dans l’esthétique de l’ancienne et de la nouvelle Vienne. La dimension éthique ici est unique et donne toute la mesure de l’importance du binôme éthique/esthétique. L’objet découle d’une idée du bon comportement que nous devons adopter dans la vie, de la bonne manière de juger des choses, d’organiser notre vie intérieure. La sobriété extérieure opérée par une personne n’est que le reflet de sa richesse intérieure, de la grande individualité de sa personnalité. Loos cherche à changer la conception que se fait l’homme de l’esthétique, de reformer sa vie au travers d’une mesure, d’une pondération dans les lignes, l’aspect, la structure. l’ornement contraint la fonctionnalité de l’objet, il fait en quelque sorte perdre du temps et ne doit en aucun cas être regardé comme un objet d’art. L’homme doit se détacher de tout le superflu qu’entretient l’ornement avec l’objet. Il pourra ainsi se diriger vers des tâches beaucoup plus importantes ou utiles, favoriser la direction de son énergie vers ce qu il y a de plus élevé.
Lampe en laiton |
Villa Müller |
«L’absence d’ornement a porté les autres arts à une hauteur insoupçonnée, les symphonies de Beethoven n’eussent jamais été écrites par un homme devant déambuler dans la soie, le velours et la dentelle. Celui qui de nos jours circule en habit de velours n’est pas un artiste, mais un guignol ou un vulgaire peintre en bâtiment. Nous avons gagné en finesse, et en subtilité.» Adolf Loos, Crime et ornement, Payot, Rivage poche, p. 87.
«Seule une toute petite partie de l’architecture relève de l’art : le tombeau et le monument. Tout le reste, tout ce qui est au service d une fin, est à écarter du domaine de l art.» Adolf Loos, Crime et ornement, Payot, Rivage poche, p. 113.
Mais tout cela n’engage pas encore ce que l’on appelle le design. Car Loos fait du design et l’on remarque bien aujourd’hui que les leçons de modernité qu’il a laissé ne sont pas tombées dans l’oublie et que la parcimonie esthétique est partout, de plus en plus, de la boîte Nivea au iphone bien que tout cela ne relève pas de la tradition antique.
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