
Peut-on dire Munier optimiste au chapitre IV? Le terrible n'est pas le néant, l'abîme. Ce n'est pas que peut-être il n'y a rien, qu'il y a le Rien, mais qu'au contraire, en dernière et fatale instance, au fond, à l'extrême qu on ne peut éluder, il y a. (p. 33) Je ne suis pas convaincu par sa notion du réel qui est opposée au possible, qui est la chose effectivement là et qui risque de s'éroder par le possible. Le temps se fait impossible chez les êtres, les êtres sont posés là et font le temps, créent le temps, mais le temps n'est rien en lui-même, sans les êtres. Là et nulle part ailleurs, les êtres sont des vides en puissance, le réel ainsi se vide par lui-même, en mutant, en mourant là. Hors du temps comme elle est, de l'espace, la réalité du réel est peut être l’éternité. (p. 37) L'Absent est toujours venu, toujours présent au point qu'on ne peut le savoir venu. Le rien n'est pas autre. Il est vide lié à l'apparence, sa découpe, son manque. (p, 42) Le rien là est l'impossible, la négation. Pour Munier le mouvement amène la variété, le perpétuel changement, il n'y a pas d'éternel retour du même, tout change et ne reste jamais la même chose, égale à elle-même et ce même pour le rien. Il y a plaisir dans la finitude, l'anéantissement, L’âme subsiste après la mort, mais ne vit plus. C'est son délice, qu'elle attendait.(p. 45) Car la mort est le véritable repos en soi. Peut-être est-ce la véritable condition, celle qui garde le désir éternel, qui ne veut aller nulle part, ne rien savoir car sachant à présent. Cet Absent présent est pour Munier un entre-deux, partagé entre une chose et quelqu'un Derrière, profondément derrière et enfoui : Quelque chose, mais qui serait comme Quelqu'un. Au point de rencontre, à la frontière indécise qui sépare quelque chose de quelqu'un. (p. 57) Les choses, les êtres, sont toujours plus qu'eux mêmes, ils sont le voile d'une chose qui fini toujours par avoir raison de l'existence. L'existence est impuissante face au rien, face à l'Absent qui a cette force de désintégration dans le néant, vers l'annulation du monde. Mais c'est l'éternité qui doit avoir raison de la vie des êtres, des choses. L'Absent est là car il achemine le monde vers ce qu'il est pleinement, c'est-à-dire le rien, le néant, et ainsi retrouver le rapport au néant qui était inopérable par la présence de l'être et du monde.
Au final, c'est un livre d'une belle poésie et qui donne pleinement à méditer sur la finitude, l'être et son contraire en nous et hors de nous.
Roger Munier, Le Visiteur qui jamais ne vient, éd. Lettres vives, Nouvelle gnose, Paris, 1983, 60 p.