Chateaubriand, Génie du Christianisme, Introduction, chap. I, livre I, "Tandis que l'Église triomphait encore, déjà Voltaire faisait renaître la persécution de Julien. Il eut l'art funeste, chez un peuple capricieux et aimable, de rendre l'incrédulité à la mode. Il enrôla tous les amours-propres dans cette ligue insensée; la religion fut attaquée avec toutes les armes, depuis le pamphlet jusqu'à l'in-folio, depuis l'épigramme jusqu'au sophisme. Un livre religieux paraissait-il, l'auteur était à l'instant couvert de ridicule, tandis qu'on portait aux nues des ouvrages dont Voltaire était le premier à se moquer avec ses amis : il était si supérieur à ses disciples qu'il ne pouvait s'empêcher de rire quelquefois de leur enthousiasme irréligieux. Cependant le système destructeur allait s'étendant sur le France. Il s'établissait dans ces académies de province, qui ont été autant de foyers de mauvais goût et de factions. Des femmes de la société, de graves philosophes avaient leur chaire d'incrédulité. Enfin, il fut reconnu que le christianisme n'était qu'un système barbare dont la chute ne pouvait arriver trop tôt pour la liberté des hommes, le progrès des lumières, les douceurs de la vie, et l'élégance des arts."
Chap. IV, De la rédemption, "On voit d'abord sortir de ce système la doctrine du péché originel, qui explique l'homme. Sans l'admission de cette vérité, connue par tradition de tous les peuples, une nuit impénétrable nous couvre. Comment, sans la tache primitive, rendre compte du penchant vicieux de notre nature, combattu par une voix qui nous annonce que nous fûmes formés pour la vertu? Comment l'aptitude de l'homme à la douleur, comment ses sueurs qui fécondent un sillon terrible, comment les larmes, les chagrins, les malheurs du juste, comment les triomphes et les succès impunis du méchant, comment, dis-je, sans une chute première, tout cela pourrait-il s'expliquer? C'est pour avoir méconnu cette dégénération que les philosophes de l'antiquité tombèrent en d'étranges erreurs, et qu'ils inventèrent le dogme de la réminiscence."
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