mercredi 12 février 2014

Sur Lartigue

 
Mon cousin Bichonnade, Paris, 1905  

Il y a chez Lartigue cette capacité à retenir le geste de l'instant, celui qui ne pose pas véritablement pour l'objectif, qui se veut furtif et absolu. Il y a le modernisme de lartigue, celui qui se veut clair et pur, sans autre ornement que l'essentiel de l'esthétique. En fait, un contemporain de Corbusier et du Bauhaus, un frère en quelque sorte, qui aurait opté pour le sourire d'une femme. Chez Lartigue, ce sont les corps qui sont les architectures.



La technique de Lartigue,  «l'instant décisif»  que nomme Henri Cartier Bresson. On pourrait s'interroger sur ce qui nous fait dire que nous pouvons ou réussissons a «capter»«l'instant  décisif». Serait ce un instant particulier d une situation qui fait d'une photo quelque chose de plus qui est dans la photo?





 André Haguet dit Dédé mon cousin, Rouzat, 1911

La nostalgie de Lartigue (se rappeler du livre de Stefan Zweig Le monde d hier).







Peut-être le souvenir de l'essentiel, de la beauté véritable, la vraie beauté, celle des peintres d'hier, celle des peintres du souvenir. Il y a le «moment», mais il est avec Lartigue expérience et non expérimental. Il est en quelque sorte esthète du «moment», il le singularise dans le contexte scénique. Et c'est parce qu il a ce temps du «moment» dans les yeux de l'imagination qu'il faut pour lui le retrouver à un certain instant d'une situation dans le réel. Il anticipe le déroulement du temps en prenant ainsi ce rôle de gardien de la mémoire des choses intimes qui sont passées à jamais.







Miss Royan, 1926


Cap d'Antibes, Aout, 1932

Lartigue photographie avec le corps, vit l'accomplissement de cet acte qui doit rendre éternel cet «instant» fugace qui commence à se dessiner sous ses yeux. Les yeux de Renée ou de Florette déjà. Les photos ont cette grâce de l'enfance, fait se jour cette simplicité talentueuse. On dirait que l'on prend une photographie un peu par jeu mêlée avec les bonheurs des hasards. L'amusement, la technicité de ce que l'homme y amène, cet objectif qui est sa part la meilleure dans le déroulement de la partie. Car ici tout est jeu et adresse du jeu et qui à première vue ne se laisse pas dire ainsi. C est le naturel de Lartigue qui joue avec l'intuition.

Renée, Route de Paris a Aix-les-Bains, 1931
Avenue du Bois e Boulogne, 1911
 
  Renee, septembre 1930
 Renée Perle, 1930




 Pablo Picasso, 1955
 Simone, 1913

 Il y a ce passage de Kierkegaard dans ses Etapes sur le chemin de la vie sur le souvenir : «Le souvenir doit être non seulement exact, mais aussi heureux ; le flacon du souvenir doit retenir le parfum de l'événement vécu avant le cachetage. Comme le raisin, qu'on ne peut pas presser n'importe quand, comme le temps, qui au moment du pressurage exerce une grande influence sur le vin, ainsi ce qui a été vécu ne peut pas être objet de souvenir ni s'introduire dans la mémoire  à n'importe quel moment ou dans n'importe quelles conditions.» Le souvenir ressurgit donc dans la photo car elle est le moment et la condition.

 Avenue du Bois, 1912

Houlgate, septembre 1919 

Bibi, Chamonix, 1920
La photographie est donc pour Lartigue la mémoire esthétique de sa sensibilité, d'une vision de l'existence conditionnée par la recherche d'un idéal qu'il semble vouloir attraper dans chacun recoin d'une œuvre, dans chaque mystère du visage. La quête de l'absolu est toujours une course vers ce qui, pensons nous, doit nous éblouir a jamais et nous laisser dans l'extase esthétique perpétuelle qui doit nous mettre en retraite de notre recherche. Mais c'est une chose qui ne se laisse pas montrer mais sur lequel on peut parler inlassablement sans connaissance de son paraitre.

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