jeudi 11 avril 2013

Et le cinéma? (2)... Juste un jet, attention...

Tolstoï et Wittgenstein voyaient dans le cinéma une espérance de catharsis morale, d'une manière nouvelle d'inculquer des leçons et une nouvelle façon de vivre au peuple. Engelmann, dans ses souvenirs sur Wittgenstein, a insisté sur l'importance que celui-ci accordait aux happy end au cinéma. Un film se terminant d'une manière tragique ou en queue de poisson relèverait d'une incompréhension de l'art cinématographique, prônant ainsi des conclusions positives. 
Mais cette forme artistique faisait office de rêve pour notre philosophe, et dont le sens réel est la réalisation d'un rêve que nous pourrions appeler "une vision". On pourrait s'interroger sur la suppression de la catharsis aristotélicienne de l'idéal wittgensteinien du cinéma. Nous savons que Wittgenstein avait lu avec attention le court ouvrage de Tolstoï Qu'est-ce que l'art? et que d'après Engelmann, il se trouva d'accord avec certaines conclusions de l'écrivain russe. l'idée centrale de cet ouvrage consistait dans l'idée que la création artistique européenne des derniers siècles était resté sans conséquences à cause parce que resté inaccessible à la plupart des gens, un manque de sens de l'universalité, répondant à la fois aux "pauvres d'esprit" et à la personne cultivée. Si Tolstoï avait fondé beaucoup sur l'art cinématographique à ses débuts, il le fut surtout pour les potentialités que cette forme d'un art pouvait transmettre de spirituel sur les masses. Bien sûr, le cinéma dans son développement n'a sûrement répondu aux aspirations de Tolstoï. Mais pour Wittgenstein le cinéma pouvait de manière pragmatique exercer une influence spirituelle sur le peuple. 
De ses souvenirs du cinéma des années 10, ce sont les fonctions oppositionnelles entre le bien et le mal qui se jouaient principe édificateur de la moralité. La victoire du bien était pour l'image du conte de fée qui bouclait ce vœux de la primauté du bien comme valeur positive simple et compréhensible tout à chacun. Le jeu de l'intensité de l'image mouvante, de la participation du spectateur, de cette similitude et en même temps cette distance qu'il y a entre le théâtre d'avec le cinéma où, chez ce dernier, Wittgenstein recherchait cette "satisfaction maximale (Engelmann) que permettait le théâtre ancien. 

Mais comme le signale Engelmann en faisant référence à une citation d'Hölderlin où le sentiment de la joie s'exprime dans le tragique, la vision du happy end peut être biaisée par ce qu'elle tente réellement d'exprimer comme édification. Car il faut rechercher ce qu'il y a de plus haut en l'homme, ce qui ne peut être que sa situation face au tragique, face à sa propre mort, là où est sa plus grande victoire, son happy end. Le courage devant le tragique, la noblesse du sentiment, se tenir droit et correct devant l'adversité, toutes ces valeurs positives sont pour Wittgenstein ce qu'il admirer chez certains germanophones de la première moitié du XIXè siècle notamment Grillparzer, Nestroy ou Raimunde. Un cinéma dans le rôle de principe actif spirituel. Le happy end wittgensteinien peut donc être vu comme une fin idéale du rêve où la tragédie disparait en quelque sorte pour n'être plus qu'une vérité authentique du bonheur de la grandeur des actions de l'être humain. Car là où la joie ruisselle dans le cœur de l'homme, quelle tragédie (dans le sens commun du terme) peut-il y avoir?

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