Brelan : n. m. (haut all. bretling, table). Réunion de trois cartes de même valeur, au poker. Un brelan d'as. (Le petit Larousse illustré, 1995).
Ces trois "cartes" ou, à coup sûr, ces "trois as" littéraires! ont pour noms : Jules Barbey d'Aurevilly, Ernest Hello, Paul Verlaine. "Trois as" marqués par l'excommunication de la "conspiration du silence" et siégeant, comme la fraîche colombe nimbée de lumière et immaculée de la pureté inconditionnelle du génie, sur le fumier himalayesque du monde contemporain ; monde trois fois lépreux, charriant chaque jour que Dieu fait sa médiocrité sacerdotale, celle des honnêtes gens, - le pire cauchemar de Bloy - , des bien-pensants, des pleutres claquemurés depuis cinq cents ans dans la fange du conformisme catholique, des indifférents, des inconscients, de ceux qui ne veulent pas, ne peuvent pas, ne peuvent plus, voir le Christ sanglant sur la Croix, ce sang, ruisseau interstellaire et toujours coulant irrésistiblement de l'Amour de Dieu, et dont l'univers entier est trempé. Excommuniés parce que vivants, tremblants encore devant le mystère, habitants la vision du Mal, en n'en fouillant parfois les entrailles, baignant de cette absolue nécessité d'être violenté par l'absolu, principe de l'être existant de l'esprit, par l'esprit, jusque dans les profondeurs abyssales du Moi.
Exister.
Trois artistes plongés dans les limbes du silence, ce silence d'une netteté formidable de la part de la bien-pensance catholique de l'époque, si formidable et commune, et qui est, avec la crachat et l'insulte, la récompense que le néant ne trouve qu'à donner à la grandeur, aux plus hautes manifestations de la vie de l'être, aux plus clairvoyantes ombres de la vie transcendantale de l'âme, s'exfiltrant aussi bien de l'ombilic du Mal que de l'instinctive poussée de cette propre âme à l'appel du Ciel Bienheureux de l’Époux et à l'espérance.
Trois artistes. Une faute.
Il fallut être bien supérieur soi-même pour un attachement aussi virile. Au-travers de ces trois figures infernales pour le commun ecclésial de l'époque, Bloy veut rendre justice à l'Art, à l'artiste, justice qu'il crie aussi pour lui-même, ce pèlerin de l'absolu comme il aimait se surnommer. Bloy, le plus infernal styliste de la littérature française. Ce pourrait-il que L'Église se souvienne encore de ces trois enfants sublimes qui ne l'ont pas oublié? Telle doit être la promesse de ce livre pour que se réalise invariablement, logiquement, révérencieusement, ces mots de Hello tirés de la préface à sa Physionomie des saints :"C'est en vain que le monde s'écroule. L'Église compte ses jours par ses fêtes. Elle n'oubliera pas un de ses vieillards, pas un de ses enfants, pas une de ses vierges, pas un de ses solitaires. Vous la maudissez. Elle chante. Rien n'endormira et rien n'épouvantera son invincible mémoire." Espérons qu'elle garde encore pour les siècles à venir la mémoire de ses artiste.
Léon Bloy, Un brelan d'excommuniés, L'Herne éd., coll. carnets de l'herne, Paris, 2012, 104 p.
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