Le nom Tao est de trop dans ce livre. Ce nom ne peut rendre l'origine ultime mais seulement dénommer l'origine de la multitude des êtres. le vide émerge alors et complète derrière le nom de Tao tout ce qu'est Tao, ce "mystère du mystère". Lao Tseu, célèbre sage chinois, initiateur du taoïsme ou plus essentiellement du "tao", signe avec Tao te king (qu'on lui attribue de manière quelque peu légendaire), un ouvrage d'une richesse spirituelle et d'une portée philosophique unique et inspirante. Ce sage est surtout grand observateur du flux, du mouvant, du plein et du vide, du juste milieu, de l'espace du possible du mouvement combiné plein/vide. Ce qui m'intéresse dans ce livre est je dirais la "justesse" de ton, et de tonalité du paraître là et non-là. Car là et non-là reposent dans le vide de Tao. Tao est entièrement harmonie. Ce monisme mystérieux de l'engendrement du monde par le vide, visible et invisible, où la multitude et son contraire s'harmonisent, s'expliquent les uns par les autres, présente cette particularité fascinante de la spiritualité du monde oriental. L'un et l'autre. Je suis par ce qui est autre que moi, moi et toi nous nous définissons par nos présences mutuelles. Cette cosmologie du tout par l'enseignement du vide, de la correspondance entre les opposés, la constitution des formes par les contraires, de la voie unique que doit suivre celui qui veut connaître les secrets de Tao, ou encore chez Tchouang-Tseu de la synchronicité de la naissance du monde et des choses, offre une portée spéculative étonnante et inépuisable. Et il faudrait pourtant ne rien dire, car le dire c'est déjà rompre avec le tout, c'est résolument poser un plus, un déterminant qui entraîne la partition et la brisure cristalline du chaos.
Lao-Tseu, Tao te king, Gallimard 2002, Paris, 108 p.
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